Colloque «Les politiques de l’emploi au défi de l’âge»
Inscription obligatoire gratuite
Heure:
9h15 à 17h, suivi d'un cocktail
Lieu:
Salle 2151, pavillon Charles De-Koninck
Pour information
evenements@fd.ulaval.ca
Description de l'événement
Ce colloque explore la problématique de l’âge dans l’élaboration des politiques publiques liées à l’emploi, dans une perspective comparative et interdisciplinaire et servira d’ouverture à la deuxième édition du Séminaire international de droit social comparé qui se déroulera du 1er au 4 octobre 2024 à l’Université Laval.
L’âge peut, entre autres, affecter ou agir comme un déterminant sur les conditions de travail et le parcours professionnel de la personne salariée, la santé au travail et les enjeux d’adaptation du travail à la personne humaine, la lutte contre les discriminations, le contentieux juridique du travail ainsi que les enjeux propres aux milieux de travail syndiqués. L’analyse comparée du droit permettra de déceler les variables institutionnelles conditionnant les droits des «jeunes» et les droits des «aînés» dans le modèle nord-américain et leur pendant dans le modèle français. Ces investigations ne manqueront pas d’interroger les variables d’une telle comparaison dans la perspective interdisciplinaire des relations industrielles afin d’étudier les facteurs démographiques, sociologiques, historiques, économiques, organisationnels ou autres du traitement de l’âge dans la relation d’emploi et les relations du travail de même que le rôle joué par les différents acteurs des relations industrielles dans la fabrication et la mise en œuvre des politiques de l’emploi.
Ce colloque s'inscrit parmi un ensemble d'activités organisées dans le cadre de la 2e édition du Séminaire international de droit social comparé:
- Conférence «Circonscrire l’âgisme comme facteur d’incitation à la retraite: de la nécessité d’un changement de culture organisationnelle» - 3 octobre 2024
Programme complet (PDF, 4.6 Mo)
Informations complémentaires
Résumé des présentations
Perspectives sur le travail des jeunes étudiants
- Charles Fleury, professeur, département de relations industrielles, Université Laval
L’Assemblée nationale du Québec a adopté, en juin 2023, la loi sur l’encadrement du travail des enfants (loi 19). Bien que saluée par plusieurs observateurs, cette loi a fait l’objet d’un certain nombre de critiques, de la part du patronat, mais aussi des jeunes, des parents et de certains groupes de la société civile. Ces derniers étaient particulièrement inquiets des possibles inégalités induites par cette nouvelle loi. Examinant dans une perspective critique la question de la centralité du travail au sein de la société québécoise, notre communication entend plus spécifiquement réfléchir au rapport que la société québécoise entretient avec le travail des jeunes étudiants. Après avoir fait état de l’importance du travail chez les jeunes étudiants québécois âgés de moins de 18 ans et présenté certaines caractéristiques des jeunes travailleurs, nous nous interrogerons sur la place que le travail occupe chez les jeunes étudiants québécois issus de différents milieux, et ce, en regard d’autres sociétés (notamment la France). Cela nous conduira à s’interroger sur les représentations du travail chez les jeunes québécois et leur famille, mais aussi sur les attentes de la société à l’égard de la participation des jeunes étudiants au marché du travail. Notre propos s’appuiera sur les données de Statistique Canada et sur la littérature entourant le travail des jeunes au Québec et ailleurs.
La retraite au-delà de l’inactivité. Analyse des temps sociaux au Canada à partir de l’enquête sociale générale 1992-2015
- Frédéric Hanin, professeur, Département des relations industrielles, Université Laval
Cette communication s’intéresse aux temps sociaux de la retraite à partir d’une analyse quantitative des données canadiennes concernant l’emploi du temps dans l’Enquête Sociale Générale (ESG) de Statistique Canada afin de sortir de la représentation de la retraite comme temps social de l’inactivité. La retraite est généralement analysée comme un système de revenus de retraite (SRR), constitué de plusieurs politiques publiques, qui vise à remplacer le revenu d’emploi relié à une activité professionnelle. Dans cette perspective, la retraite est associée au statut d’inactivité au sens économique du terme. En sociologie, on parlait même de «mort sociale» pour qualifier la situation typique des retraités au XXe siècle (Guillemard, 1972). À partir de l’analyse des données canadiennes concernant l’emploi du temps sur une période d’environ 30 ans, nous proposons une analyse des classes latentes (ACL) qui permette de discuter l’articulation entre la retraite et les différents temps sociaux: le temps de travail, le temps personnel, le temps domestique, le temps familial, le temps associatif, le temps du loisir, le temps de la consommation, etc. Les résultats permettent de montrer que si la retraite regroupe ces différents temps sociaux, il existe encore une forte segmentation entre les personnes dont les facteurs explicatifs sont autant micro que méso. Les politiques publiques qui régulent la retraite au Canada devraient davantage s’appuyer sur la notion de temps sociaux plutôt que d’opposer les actifs et les inactifs autour de l’âge de la retraite.
L'emploi des seniors en France: le droit dans le prisme des politiques publiques
- Philippe Martin, Directeur de recherche au CNRS, COMPTRASEC UMR 5114
La place des travailleurs âgés dans le marché du travail en France est assez singulière. Les seniors -c'est à dire les 55-64 ans- y sont historiquement sous-représentés et le taux d'emploi de cette catégorie demeure aujourd'hui inférieur à la moyenne européenne (56,9% pour une moyenne européenne à 62,3%). La présente intervention se propose de livrer quelques éléments explicatifs de cette situation. On verra que, dans la seconde partie du 20è siècle, le droit à l'emploi des seniors a été en quelque sorte sacrifié ou, en tout cas, fortement orienté par des politiques de gestion de l'emploi par les âges: il s'est agi de "sortir" les vieux pour faire de la place aux jeunes. Au tournant du 21è siècle, ces politiques ont connu un coup d'arrêt, notamment sous l'impulsion de l'Union européenne. S'est imposée une nouvelle approche de l'emploi et du rôle de l'Etat social. Surtout, ce sont les réformes des systèmes de retraites qui, en exigeant de travailler plus longtemps, ont impliqué la fabrique de politiques actives en matière d'emploi des seniors. De fait, les seniors sont plus en emploi aujourd'hui qu'ils ne l'étaient il y a 25 ans. On essaiera d'analyser les effets de la législation française sur l'emploi, mais aussi le travail des seniors. On fera l'hypothèse que dans cette affaire, ce n'est pas tant le droit au travail, ou la liberté du travail des individus - notamment des travailleurs âgés - qui est au cœur de la réflexion: le droit continue d'être instrumentalisé au service de politiques publiques visant à contenir la dette publique et assurer la compétitivité économique du pays.
Trop vieilles pour travailler: la ménopause comme critère d’entrée dans la vieillesse pour les femmes
- Louise Langevin, professeure, Faculté de droit, Université Laval
En Occident, la ménopause - physiologique ou sociale - marque l’entrée des femmes dans la vieillesse, accompagnée d’une perte de statut, contrairement aux hommes pour qui l’âge n’a pas le même effet. Après une analyse de la ménopause sous l’angle de la construction sociale, ma présentation aborde l’intersection de l’âge et du genre au travail. Les femmes préménopausées, en transition ménopausique et postménopausées, et qui demeurent actives sur le marché du travail, affrontent une double discrimination en raison de leur âge et de leur sexe/genre. Elles sont perçues comme moins productives, moins flexibles, trop vieilles, mais surtout moins attirantes sur le plan sexuel. Cependant, pour contrer la pénurie de main d’oeuvre, les employeurs devront enrayer les stéréotypes à l’égard des travailleuses ménopausées jugées trop âgées et adapter le milieu de travail à leurs réalités.
Le droit de la pénibilité au travail: évolutions et perspectives
- Loïc Lerouge, Directeur de recherche au CNRS, COMPTRASEC UMR 5114
La pénibilité est le résultat d’une situation de travail difficile et contraignante qui est susceptible de causer un dommage à celui ou celle qui réalise la prestation de travail. Or, selon les emplois et les tâches à effectuer, au cours de leur carrière, les travailleurs sont confrontés à des conditions de travail plus ou moins pénibles. Quand elles sont répétées ou s’étendent dans le temps, ces conditions de travail sont aussi usantes pour la santé des travailleurs et certains d’entre eux ont plus de mal à terminer leur carrière dans de bonnes conditions de santé. L’objet de la contribution sera de décrire le dispositif français imaginé en 2014 pour faire face à ce phénomène, puis d'analyser son développement avant dégager les perspectives d'évolution ou d'arrêt.
L’utilisation de l’âge comme condition de l’indemnisation des lésions professionnelles au Québec
- Vincent F. Dion, avocat à la Direction générale des affaires juridiques de la CNESST et étudiant à la maitrise, Faculté de droit, Université Laval
La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la LATMP) permet à un travailleur d’être indemnisé pour une lésion survenue par le fait ou à l’occasion de son travail. La valeur de ces indemnités et les conditions d’octroi, de maintien, de fin ou de réduction de celles-ci varient selon plusieurs facteurs, dont l’âge du travailleur ou de ses ayants cause. À première vue, il apparait singulier que le législateur ait choisi d’avantager ou de désavantager des travailleurs en se fondant aussi ostensiblement sur l’âge de ceux-ci. Dans le cadre de notre présentation, nous suggérerons que ces choix traduisent l’intention du législateur de prévenir la surindemnisation ou la sous-indemnisation des bénéficiaires de la LATMP en utilisant l’âge de ceux-ci comme un indicateur de leur capacité de gain réelle, qu’elle soit pré-lésionnelle ou post-lésionnelle.
Le salarié âgé saisi par les normes conventionnelles
- Gilles Auzero, professeur de droit, Université de Bordeaux, COMPTRASEC UMR 5114
Il s’agira de procéder à une étude empirique, afin d'apprécier comment la question du salarié âgé est envisagée par les conventions et accords collectifs de travail. L'étude est orientée principalement vers la question des préretraites d'entreprise, dites «préretraites maison», mais aussi sur les dispositifs conventionnels parfois fort novateurs qui permettent d'assurer une transition "apaisée" entre la vie professionnelle et la retraite, par le recours notamment au mécénat de compétence et à d’autres organisations allégées du temps de travail. Il convient bien sûr, dans le même temps, de s'interroger sur les niveaux pertinents concernés, étant observé que l'on peut raisonnablement penser que c'est le niveau de l'entreprise qui est intéressé au premier chef. Mais des questions d'articulations des différents niveaux ne sont pas à exclure.
Les obligations du syndicat dans la représentation des retraités
- Simon Quilès, étudiant à la maîtrise, Faculté de droit, Université Laval
Dans un contexte inflationniste et de détérioration du filet social au cœur duquel l’épargne personnelle et les régimes de retraite publics peinent à assurer un niveau de vie décent à tous, l’acteur syndical québécois a réellement un intérêt à jouer un rôle actif dans la négociation des régimes de retraite privés avec l’employeur afin de remonter ce niveau de vie. Cette idée d’octroyer une qualité de vie minimale à tous constitue par ailleurs le fondement de l’idéologie syndicale. Cependant, les cas d’actualité des dernières années ont démontré que les régimes de retraite privés permettent difficilement d’octroyer aux retraités un niveau de vie convenable. Or la jurisprudence canadienne reconnait que l’acteur syndical a une obligation résiduelle de représentation envers les retraités pour les situations qui se sont cristallisées avant le départ à la retraite. Deux questions seront abordées en lien avec cette problématique:
- Quelle est la portée de cette obligation
- Comment l’acteur syndical québécois la concilie avec son devoir de juste représentation envers les salariés actifs qui est énoncé à l’article 47.2 du Code du travail?
L'adaptation du travail à l'âge du travailleur
- Jérôme Porta, Professeur de droit à l'Université de Bordeaux (COMPTRASEC UMR 5114)
L'idée de l'adaptation du travail à l'homme traverse l'ensemble du droit social. «le travail n'est pas une marchandise». Toutefois, au-delà du symbole, le principe est peu objet d'analyse juridique. Bien souvent, l'idée d'une adaptation du travail à l'homme est même rabattue sur la seule question de la santé au travail. L'article L. 4121-2 du Code du travail, seule occurrence positive de ce principe dans le droit français, en est emblématique puisqu’il se limite aux seules questions de prévention. La prise en compte de l'âge du travailleur révèle à l'opposé une conception riche et plurielle de ce qu'adapter le travail à l'homme veut dire. L'article 32-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en est un bon exemple: «Les jeunes admis au travail doivent bénéficier de conditions de travail adaptées à leur âge et être protégés contre l'exploitation économique ou contre tout travail susceptible de nuire à leur sécurité, à leur santé, à leur développement physique, mental, moral ou social ou de compromettre leur éducation». On le voit, l'adaptation du travail à l'âge répond ici à des exigences variées, mêlant protection de la santé, lutte contre l'exploitation, prise en compte du développement du jeune travailleur et de son éducation. Notre contribution vise à rendre compte de ce pluralisme des grammaires juridiques en jeu dans l'adaptation du travail en fonction de l’âge des travailleurs.
Bénévolat et droits fondamentaux: concilier vie privée, égalité et protection des personnes aînées vulnérables
- Mélanie Samson, professeure, Faculté de droit, Université Laval
- Rafaëlle Ouellet-Doyon, étudiante, Faculté de droit, Université Laval
Notre présentation portera sur la façon de concilier le droit à la protection de la personne âgée et les droits fondamentaux de la personne qui souhaite agir à titre de bénévole auprès d’elle. Dans un premier temps, nous examinerons dans quelle mesure la Charte protège les droits à l’égalité et au respect de la vie privée de la personne qui pose sa candidature pour un emploi bénévole, en comparant sa situation à celle de la personne qui postule un emploi rémunéré. Dans un second temps, nous étudierons dans quelle mesure le droit à la protection des personnes âgées vulnérables justifie des restrictions aux droits fondamentaux de l’aspirant bénévole.
Organisation
Ce colloque s'inscrit dans les activités de laChaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés, de la Chaire internationale d’études comparées de la santé au travail (CIECST), du Centre interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT) et du Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (COMPTRASEC).