Soutenance de thèse réussie pour Chloé Duffort
10 décembre 2024
Le 4 décembre dernier, Chloé Duffort a brillamment soutenu sa thèse de doctorat intitulée «L’espace extra-atmosphérique comme zone de conflictualité, enjeux au regard du droit au recours à la force et du droit international humanitaire». Dans son travail, elle explore les défis juridiques soulevés par l'évolution rapide des activités spatiales, qui sont désormais accessibles à un nombre croissant d'acteurs privés et publics. Elle met en lumière les besoins d’adaptation du cadre juridique international actuel, élaboré dans les années 1960, face aux nouvelles réalités technologiques et géopolitiques.
La direction facultaire salue les efforts déployés par madame Duffort et lui offre toutes ses félicitations!
Membres du jury
- Directrice de thèse: Julia Grignon, professeure, Université Laval
- Directrice de cotutelle de thèse: Anne-Marie Tournepiche, Université de Bordeaux
- Rapporteur: Philippe Lagrange, Faculté de droit et de sciences sociales de Poitiers
- Rapporteur: Vincent Correira, McGill University
- Examinatrice: Fannie Lafontaine, professeure, Université Laval
- Examinatrice: Cassandra Steer, Australian National University
Résumé de la thèse
La question de l’accès, puis de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique par l’Homme, fascine autant qu’elle menace l’équilibre fragile de la paix et de la sécurité spatiale. A une époque où les ruptures technologiques sont la promesse de prouesses industrielles souveraines toujours plus spectaculaires et que s’accroit par ailleurs, la dépendance de la société aux infrastructures spatiales critiques, cette thèse démontre la nécessité d’appliquer le droit international aux activités spatiales contemporaines qui menacent de rompre la paix et la sécurité internationales. Cependant, le cadre juridique en vigueur a été créé pour les activités spatiales des années 1960, qui ne sont plus comparables avec celles menées par les acteurs spatiaux contemporains. D’ailleurs, le statut de ces acteurs, aussi, a changé. L’accès et l’utilisation de l’espace autrefois réservé à quelques puissances spatiales, sont désormais à la portée de nombreux acteurs privés. Ces changements substantiels ont nécessairement des incidences sur l’effectivité du cadre juridique international dans l’espace, ce qui favorise l’apparition de pratiques ambiguës. Se faisant, le manque d’adaptation des textes du corpus spatialis couplé au peu d’informations disponibles sur la réalité des missions spatiales internationales, favorise l’apparition de conflits. La thèse proposera alors en première intention de changer de paradigme et d’évaluer les menaces spatiales en définissant leurs effets, faute de consensus sur l’objet qui en est le support. Ainsi, toute opération qui n’est pas menaçante pourra être assimilée à un comportement responsable. Nonobstant, cette thèse suit une méthode réaliste, basée sur la technique de la sociologie juridique. Se faisant, les développements juridiques qui y sont proposés se vérifient au regard de faits objectifs, extérieurs au droit. Par conséquent, la possibilité qu’éclate un conflit armé en lien avec l’espace, puisque le cadre juridique en vigueur ne semble pas suffisant pour l’empêcher, ne pouvait être ici ignorée. De fait, en seconde intention, la thèse propose une application prospective du droit international humanitaire pour encadrer les CAI, jusque dans l’espace, en partant du postulat que le conflit armé international spatial peut-être qualifié dès lors qu’une opération militaire hostile est conduite grâce à l’appui significatif d’au moins un système spatial. Néanmoins, à cet égard, il convient de souligner que l’usage dual des biens en temps normal, est le principe dans le milieu spatial. Il ne s’agit pas d’une dualité occasionnelle comme il en ressort de l’exemple classique du pont qui durant un CAI peut changer de statut en fonction de l’utilisation qui en est faite. Cette dualité représente le défi au coeur de ce travail prospectif, car elle contrarie la mise en oeuvre de la règle cardinale de distinction en DIH, dont toutes les autres découlent, en vertu d’une interprétation établie par la doctrine et les tribunaux. Toutefois, l’interprétation du DIH n’est pas immuable. Au contraire, le DIH est un droit qui évolue à l’aune des méthodes et moyens de guerre soumis à son encadrement. C’est pourquoi, la thèse propose une interprétation nouvelle du DIH qui consistera, d’une part, à poser la règle fondamentale de précaution dans l’attaque comme nouvelle pierre angulaire de ce droit et, d’autre part, dans l’élargissement de la liste des biens spécialement protégés par le DIH pour y inclure les systèmes spatiaux d’intérêt vital pour les populations de la société internationale. Ainsi, les obstructions faites à la distinction dans l’espace ne sauront remettre en question l’effectivité de la dernière branche de droit international dont les effets de la mise en oeuvre sont immédiatement visibles au regard de l’équilibre entre les principes de nécessité militaire et d’Humanité dans les conflits.