
Lancement de la première programmation de la CLE René-Dussault sur l'inclusion des traditions autochtones dans les programmes de formation en droit
13 octobre 2023
C’était jour de lancement de la programmation inaugurale de la Chaire de leadership en enseignement (CLE) René-Dussault sur l’inclusion des traditions autochtones dans les programmes de formation en droit, le vendredi 6 octobre dernier.
Cet événement semi-scientifique portait sur la thématique de l’inclusion des traditions autochtones dans l’enseignement du droit et sa forme s’inspirait des événements de type «vernissage». La professeure titulaire Geneviève Motard, maîtresse de cérémonie, a d’entrée de jeu donné la parole à la doyenne de la Faculté de droit, Anne-Marie Laflamme, puis à la vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes, Cathia Bergeron, pour les mots de bienvenue. Puis, le donateur principal de cette CLE, monsieur René Dussault, a tenu à dire également quelques mots à l’auditoire présent.
La professeure adjointe Kathy Bellefleur, première titulaire de cette CLE, a fait part du processus ayant mené à cette programmation initiale. D’une part, il était important que celle-ci réponde aux questionnements de tous et toutes, tout en proposant, d’autre part, une réponse aux enjeux soulevés par la construction d’une Réconciliation durable avec les Premiers peuples. Pour ce faire, elle dit avoir entamé un processus de consultation de ses collègues de la Faculté afin de recueillir leurs avis à ce sujet. La titulaire dit souhaiter bâtir cette CLE sur une volonté collective qui puisse refléter le positionnement de la Faculté. C’est pourquoi elle voit la nécessité de mettre également à contribution les étudiantes et les étudiants en droit, et ce, pour définir en quoi les normativités des autochtones et étatiques peuvent s’unir dans une recherche de connaissances, avec et pour les autochtones.
La conférence
Kathy Bellefleur s’est dite honorée du privilège d’être la première titulaire de cette CLE et très enthousiaste face à ce grand projet. Par la suite, les trois conférencières invitées ont pris la parole afin de traiter chacune d’un thème particulier en lien avec les trois orientations de la CLE soit: l’enseignement, la recherche et l’ouverture. Voici quelques fragments tirés des communications de ces trois femmes captivantes et aux points de vue complémentaires.
Thème 1: Enseignement | Marjolaine Tshernish, innue, directrice générale de l’Institut Tshakapesh depuis 2016
«Le thème de l’enseignement est multiple, comme l’enseignement des droits sacrés et culturels», affirme Marjolaine Tshernish. En ce sens, «la langue ancestrale est ce qu’il faut collecter», selon elle. Puis elle ajoute: «Nos droits ancestraux passent par la langue et je vis dans un monde contemporain où la langue a été adaptée». Elle constate que la langue parlée sur le territoire autochtone se perd à chaque décès d’un aîné. «Notre Histoire passe par le récit et les histoires de nos aînés. Nos légendes ont été métissées au fil des générations, au fil de la modernité (avant l’arrivée des missionnaires). Les mots utilisés maintenant changent notre façon de penser face au territoire», ajoute madame Tshernish.
Madame Tshernish mentionne deux fractures importantes causées par l’arrivée des missionnaires. La première étant l’arrêt de la tradition de la «tente tremblante» qui permettait aux chamanes de «parler avec l’esprit des animaux» (le maître des animaux chez la nation Innu est le caribou). La deuxième fracture en est une identitaire. «Les Innus vivent dans une culture québécoise majoritaire, mais notre façon de voir et de comprendre le monde est différente. Nous avons la pression d’être éduqué, de parler la langue québécoise en plus de la nôtre et d’agir comme la majorité», termine madame Tshernish.
Thème 2: Recherche | Andrée Boisselle, professeure agrégée à Osgoode Hall Law School de l’Université York
Pour illustrer le thème de la «recherche» deux images furent mises sur l’écran côte à côte par la professeure Andrée Boisselle. Elle explique que ces images sont liées d’une certaine manière à son histoire personnelle: d’un côté la ville de Montréal où elle a grandi, au cœur d’une architecture urbaine qui contient l’histoire des grandes étapes de sa vie, et de l’autre, une photo de Grande-Rivière à Natashquan où l’on aperçoit, entre autres, un bateau et un véhicule utilitaire (4 roues) en pleine nature. Andrée Boisselle explique que la différence entre ces deux lieux, en lien avec son travail de recherche, reflète, en un sens, la transformation que nécessite la formation en droit. En effet, la formation à titre de juristes implique une resocialisation, tant pour les autochtones que les non-autochtones. Dans le cas particulier des peuples autochtones, cette nouvelle socialisation passe par l’appropriation des conventions du droit étatique versus leurs propres normativités transmises dans leurs propres traditions. Inversement, elle ajoute qu’à titre de chercheure, recevoir une éducation juridique autochtone implique de se rendre disponible à ce savoir: «Les liens sont longs à former et les modes d’apprentissage sont longs à assimiler», dit-elle. Il s’agit d’une resocialisation qui implique pour le juriste de s’ouvrir à d’autres sources de normes où tous les sens sons impliqués.
Thème 3: Ouverture | Renée Dupuis, avocate et auteure, a été nommée sénatrice indépendante au Sénat du Canada en novembre 2016 et docteure honoris cause en droit de l’Université Laval en 2012.
Le dernier thème, celui de l’«ouverture», est commenté par la sénatrice Renée Dupuis également à l’aide de deux photos: d’un côté une oie blanche accompagnée de son reflet qui avance dans l’eau, et la photo d’une auto qui s’éloigne seule sur «la 138», cette route «qui divise le territoire ancestral en deux et qui ne mène nulle part», dit la sénatrice. L’illustration voulait démontrer la nécessité de créer des ponts dialogiques entre deux mondes complètement différents. Elle parle longuement de la reconnaissance des droits relatifs au territoire et de l’importance de rédiger des documents de référence à cet effet. Elle ajoute notamment que la photographie de la route 138 constitue un exemple frappant de cette importance considérant le fait que celle-ci fut construite en partie sur le territoire de la Première nation de Pessamit, sans que celle-ci fut consultée ou justement rétribuée. La sénatrice a mené des projets multiples sur la gouvernance à l’aide de rencontres et d’entrevues dans le milieu communautaire. Elle termine en remerciant longuement René Dussault pour l’influence qu’il a eue dans son parcours et «demande à l’Université Laval de continuer de mettre en place des lieux de rencontre avec les étudiants et étudiantes autochtones et non autochtones».
La conclusion
Cette proposition de rencontre dont a parlé la sénatrice, Kathy Bellefleur l’avait déjà en tête en introduction de cet événement en mentionnant son idée de créer une mini-école de droit où les étudiants et étudiantes de la Faculté seraient amenés à la rencontre de jeunes autochtones dans leur milieu de vie pour échanger. «Pour construire des ponts dialogiques durables sans essentialiser l’autre, il faut prendre le temps de refaire connaissance, de se faire confiance l’un et l’autre et prendre le temps de comprendre nos silences et, admettre que nous ne partons pas tous et toutes du même point de départ», ajoute la titulaire.
L’événement se termina par la portion vernissage de l’événement, où furent présentées une sélection de photographies prises par Kathy Bellefleur. La présentation des photographies était organisée selon un ordre géographique allant d’est en ouest. Celles-ci étaient tirées de son projet doctoral, le projet «Uapakanu» ou « harfang des neiges », dont l’objet était d’«illustrer les rapports au territoire».
Bon succès à la professeure Bellefleur pour l’envol de cette première programmation!
Pour en savoir plus sur cette CLE: https://www.fd.ulaval.ca/actualites/nouvelle-chaire-de-leadership-en-enseignement-rene-dussault-sur-linclusion-des-traditions-autochtones-dans-les-programmes-de-formation-en-droit