Du libre-échange à l'informatique: portrait d'Olivier Bichsel, doctorant
3 novembre 2025
Pourquoi Olivier Bichsel a-t-il choisi le droit? Parce qu’il s’agissait de la seule matière qui n’était pas enseignée à son lycée de Bordeaux.
Curieux de nature, le doctorant a eu la piqûre du droit international lors d’un séjour à l'Université de Münster, en Allemagne. Il avoue que c’est à ce moment-là qu’il devient «un peu un meilleur étudiant». Le rythme universitaire lui a plu – il décide donc de poursuivre ses études après la licence, à l’Université de Bordeaux. Le programme bidiplômant offert conjointement avec l’Université Laval l’a ainsi mené jusqu’à Québec pour compléter son master 2.
À son arrivée, il est surpris par les méthodes pédagogiques d’ici: «Les cours nous donnaient un cadre pour approfondir ce qu’on avait envie d’approfondir. On nous apprenait une méthode de recherche qui nous permettait ensuite d’être compétitifs sur plein de sujets.» Quelques années plus tard, il s’aperçoit que cette façon d’apprendre l’a beaucoup aidé pour son doctorat.
Penser le libre-échange autrement
De fil en aiguille, Olivier décroche un financement pour son projet doctoral, qu’il réalisera en cotutelle entre l’Université de Bordeaux et l’Université Laval.
Son sujet de recherche se concentre sur les accords de libre-échange qu’entretient l’Union européenne avec les autres pays. Il cherche à analyser les accords pour en arriver à un portrait type des ententes produites par l’Union européenne, afin de rendre le tout plus concret pour les gouvernements et pour les acteurs du droit et des relations internationales.
L’objectif de sa thèse a évolué au fil des ans. «Lorsque j’ai commencé ma thèse, c’étaient vraiment les dimensions environnementale et sociétale des questions liées au commerce international qui étaient mises de l’avant», se rappelle-t-il.
Aujourd’hui, la question qu’il se pose va plus loin. Depuis la pandémie, Olivier constate que les préoccupations ont changé dans la société et que l’on se questionne carrément sur l’avenir du libre-échange dans sa forme actuelle.
Par exemple, pourquoi l’Union européenne facilite-t-elle l’importation de viande de Nouvelle-Zélande alors qu’elle produit elle-même de la viande accessible et de qualité? «C’est que, d'un autre côté, le libre-échange reste un outil de pacification», explique le doctorant.
Selon lui, le phénomène complet est appelé à évoluer. Le libre-échange devra s’inscrire dans un modèle logique sur les plans environnemental et sociétal. Pour vulgariser son idée, le doctorant parle souvent de «passer d'un libre-échange de quantité à un libre-échange de qualité».
Un engagement au cœur de l’intégration européenne
Depuis quelques années, Olivier s’implique à titre de coordonnateur de la Chaire Jean-Monnet en intégration européenne. Il accompagne le titulaire – le professeur Olivier Delas, qui se trouve à être son codirecteur de recherche – pour assurer la planification, la mise en œuvre et le rayonnement des activités de la Chaire.
S’inscrivant à merveille dans les axes de la thèse d’Olivier, la Chaire Jean-Monnet vise d’un côté à étudier l’Union européenne et ses actions externes, puis, de l’autre, à sensibiliser le public nord-américain à l'intégration européenne.
«L’objectif n’est pas que les étudiantes et étudiants mémorisent tout, mais plutôt de leur fournir des repères leur permettant de situer les enjeux relevant de l’Union européenne dans leur contexte et d’être à l’aise dans leur analyse, quel que soit le sujet ou le cadre», explique Olivier. Les événements phares de la Chaire – l’École d’automne en droit de l’Union européenne et les Ateliers Schuman – s’inscrivent également dans cette lignée.
Du droit à la programmation informatique
Lorsqu’il a débuté son projet de recherche, Olivier a vite rencontré un problème méthodologique. «Un accord de libre-échange, ça peut facilement dépasser les 3000 pages en comptant les annexes.» Il en avait huit à comparer.
Le hic, c’est que le doctorant vit avec un symptôme de neige visuelle depuis qu’il est enfant. «Quand on doit lire quelque chose de statique pendant très longtemps, ça fatigue énormément et la concentration baisse.»
C’est grâce à sa passion pour l’informatique qu’il a pu se rendre jusqu’au doctorat et qu’il a pu analyser l’ensemble des accords de libre-échange. «Je suis plutôt bon avec les ordinateurs», avoue-t-il humblement. Petit, il a eu très tôt un ordinateur entre les mains et a toujours aimé bricoler avec les technologies numériques.
La lecture audio des fichiers l’a grandement aidé, mais au fil du temps, Olivier a développé des techniques de lecture et d’analyse plus sophistiquées. Il a appris le langage Python pour créer lui-même des protocoles d’analyse pouvant être appliqués au domaine du droit. «Je suis maintenant capable de générer automatiquement des schémas, en utilisant des techniques issues des domaines de la statistique et de la science des données, pour être capable de produire des visualisations quantitatives de phénomènes mis au jour grâce à des méthodes d’analyses qualitatives» – un exploit qu’il vient tout juste d’achever cet été, après de nombreuses heures de travail!
Il témoigne que l’éventail de services offerts par l’Université Laval l’a fortement aidé à bâtir ses outils. À titre d’exemple, il mentionne un projet collectif mené dans le cadre de la Chaire Jean-Monnet pour lequel il a développé une base de données: «ce projet, il n’aurait pas pu voir le jour sans une application qui s'appelle Power Apps. Cette application est disponible avec la suite Microsoft, à laquelle nous avons accès en tant qu’étudiants à l’Université Laval». Le Fonds d’investissement étudiant lui a aussi permis d’avoir accès à un écran et à un ordinateur, tandis que la Direction des technologies de l’information l’a aidé à se procurer des logiciels… Bref, «ce sont de petits détails, mais il y a plein de ressources à l'Université Laval qui m’ont aidé», affirme-t-il.
Regards vers l’avenir
Aujourd’hui, Olivier en est à ses derniers milles avant la fin de son parcours au doctorat. Il prévoit soutenir sa thèse dans les prochains mois. L’avenir n’est pas encore défini, mais il souhaite en profiter pour cultiver sa passion pour l’informatique: «J'aimerais peut-être pouvoir continuer la recherche en incorporant l’informatique de façon plus officielle, parce que ça l’a toujours été un outil de soutien. J'aimerais inverser la logique en faisant de ce sujet la question centrale, qui pourrait se mettre au service de projets de recherche plus divers.» Il aimerait aussi explorer la façon dont les outils numériques – dont l’intelligence artificielle – peuvent aider à rendre le droit davantage accessible et intelligible pour le grand public.
Au regard des dernières années, le conseil qu’Olivier aurait aimé recevoir en début de parcours, c’est de ne pas hésiter à demander de l’aide. «J'ai toujours dit à tout le monde que tout allait bien, que le projet avançait bien, alors que j’aurais probablement dû demander de l’aide pour trouver les ressources technologiques qui pouvaient m’aider dans mon projet.»
Le mythe du doctorant qui doit tout connaître pesait lourdement sur les épaules, mais il admet que son parcours doctoral aurait probablement été plus rapide s’il avait mieux nommé ses besoins.
De toute façon, entre apprentissage autodidacte, recherche, coordination d’une chaire et rédaction de thèse, peut-être qu’Olivier n’avait pas encore réalisé qu’il ne souhaitait pas vraiment un parcours plus court.